10 Fév Ré-inventer les rencontres scientifiques (Episode 2/2)
Colloques, congrès et symposium … réinventer les rencontres scientifiques à l’ère Covid et post-Covid. (Episode 2 sur 2)
Dès mars 2020, la pandémie a mis un coup d’arrêt brutal à la tenue de tous les événements internationaux. Le monde de la recherche et des échanges scientifiques n’a pas fait exception, et toutes les conférences et congrès prévus de longue date ont été annulés ou reportés.
Une fois le choc initial digéré, les organisateurs ont rivalisé de créativité pour inventer de nouveaux formats de rencontres virtuelles puis hybrides, et ainsi permettre à ces échanges indispensables de perdurer.
Bilan de ces dernières années éprouvantes (épisode 1/2)… et perspectives futures (épisode 2/2)
Dans le 1er épisode de cet article (lien), je* revenais sur les 3 phases traversées par les professionnels des rencontres scientifiques entre Mars 2020 et Décembre 2021. Entre sidération, réaction et anticipation, nous avons tous courbé l’échine pour avancer et continuer à proposer des opportunités aux universitaires, industriels et institutionnels de se réunir (même virtuellement) et déchanger. Cette 2ème partie sera plus prospective, détaillant ma vision d’expert de l’événement sur ce format de rencontre particulières. Avis aux organisateurs associations et société savantes… cet article est pour vous ! Dites-moi si ça vous inspire… interpelle… questionne… ?
*NB : J’écris cet article en tant que professionnelle de l’événementiel, qui accompagne les organisateurs d’événements dans la conception et la mise en œuvre de leurs conférences, congrès ou colloques. Mes équipes et moi sommes en coulisses, aux côtés des organisateurs, pour planifier et donner vie à ces événements, en s’assurant qu’il n’y a aucun grain de sable dans les rouages. Donc voici un témoignage de l’intérieur !!!
- Quelle forme prendront les rencontres scientifiques « du monde d’après » ?
Force est de constater que nous arrivons tous – professionnels de l’événementiels et organisateurs de conférence – à une période charnière compliquée. Les participants ont certes une appétence forte de se revoir, mais les attentes ont changé. En effet, nous souffrons tous du syndrome « Zoom-fatigue », mais le virtuel a indéniablement des avantages qu’il ne faudrait surtout pas jeter avec l’eau du bain. D’autant plus à un moment où beaucoup d’entreprises intégrent les politiques RSE dans leur stratégie.
L’équation est compliquée et seuls les organisateurs qui sauront la résoudre sortiront leur épingle du jeu. Fort de l’expérience cumulée depuis des années et des leçons d’adaptabilité fraîchement tirées des 24 derniers mois, je liste ici les 5 « promesses à tenir » pour ré-inventer vos rencontres scientifiques.
- L’excellence scientifique du programme
- La qualité de la logistique présentielle et virtuelle
- Une expérience utilisateur adaptée à chacune de vos partie prenantes
- Un événement inclusif à tous les niveaux
- La création et l’animation d’une communauté d’intérêt
2. Une rencontre scientifique doit être scientifiquement excellente.
Logique vous me direz ? Et pourtant, qui d’entre vous n’a jamais participé à des conférences où les présentations commerciales étaient plus fréquentes que les interventions à réelle valeur ajoutée scientifique ? Où les orateurs venaient plus pour vendre leurs produits et services plutôt que pour présenter l’avancement d’une étude ou échanger sur des enjeux d’actualité ?
Les conférences scientifiques de qualité ont toutes en commun de disposer de critères de sélection strictes pour les papiers et intervenants qui intègrent le programme. Exit le copinage, oubliez l’indulgence des papiers émanant de sponsors. Soyez exigeants sur les intervenants invités et les papiers acceptés. Vous assurerez ainsi la qualité de votre programme… et – in fine – la satisfaction des participants. Rappelez-vous que ce sont ces derniers vos ambassadeurs … mais aussi vos potentiels détracteurs !!
3 conseils « programme » clés :
- Mettez en place un Comité de Programme expert et impliqué, incluant un panel diversifié. Rédigez ensemble le « call for paper / appel à communication » et définissez clairement les critères de sélection, puis mettez en place un outil en ligne de soumission et de notation collégiale clair et efficace.
- Appuyez-vous sur ce Comité de programme pour sélectionner et inviter des Speakers de qualité et VIP, qui contribueront à l’attractivité de votre événement.
- En aval, lancez systématiquement un questionnaire de satisfaction auprès des participants pour faire remonter les points positifs et « à améliorer » de votre programme scientifique.
- Une rencontre scientifique doit être logistiquement irréprochable.
Une destination attractive, un lieu de réception adapté, un équipement audiovisuel professionnel, une restauration de qualité… il y a des bases qu’on ne réinvente pas. Mais certains points évoluent néanmoins depuis la reprise et j’attire votre attention sur 2 éléments précis. D’une part, la connectivité du lieu choisi (qualité de connexion internet, équipement existant pour visio-conférence) aura des répercussions sur une potentiels hybridation de votre événement. D’autre part, les protocoles sanitaires mis en place pour assurer la sécurité sanitaire de vos publics (équipements spécifiques, gestion des flux, jauges) doit être réfléchie en amont et bien communiquée pour rassurer les participants.
Côté technique, il est également important de bien choisir les outils digitaux utilisés et mis à disposition de vos participants : le site de dépôt des papiers, le site d’inscription en ligne, les applications mobiles utilisées lors de l’événement, ou encore la plateforme de mise à disposition des replay. Ces éléments font partie de l’expérience participant, tout autant que la qualité des petits fours du cocktail de clôture. D’autant plus s’ils sont les 1ers points de contacts de votre public.
3 conseils « logistique » clés :
- Optez pour un outil en ligne qui couple « appel à communication » et « inscription en ligne ». Ceci facilitera la vie de vos équipes en centralisant toutes les informations, mais aussi celle de vos participants. Différents créateurs de logiciels sont présents sur le marché. Comparez leurs offres pour trouver le meilleur rapport besoin/prix.
- Faites un repérage sur site et rencontrez tous les partenaires techniques de votre événement. Une réunion de cadrage commune est indispensable pour bien articuler la coordination de tous vos prestataires et éviter les « trous dans la raquette ».
- Ne lésinez pas sur la qualité de la restauration. Foi de professionnel de l’événementiel, c’est tout ce dont se rappellent les participants en bout de course. Tout le reste peut être parfait, mais s’ils ont mal mangé, c’est ce qu’ils retiendront. Par contre, un beau/bon diner de gala permet de faire oublier beaucoup des autres petites imperfections !!
Focus sur les événements éco-responsables
Les organisateurs d’événements se retrouvent devant une multitude de choix à faire : la destination, le lieu de conférence, le choix du traiteur, les goodies pour les participants… et j’en passe. Pour chacun de vos choix, intégrez les critères de responsabilité écologique et sociale dans votre décision : réutilisable, local, recycable, économie d’énergie, compensé carbone… Le virtuel est clairement un outil permettant de réduire la facture écologique, (même si ce n’est pas neutre, via la consommation des serveurs !).
Vous voulez vous lancer ? Je recommande l’outil développé par l’ADEME, qui permet de diagnostiquer l’empreinte actuelle de votre événement et de pointer les marges de progression avec des recommandations concrètes : https://evenementresponsable.ademe.fr/
- Une rencontre scientifique doit être marketée avec précision
Savez-vous ce qu’est un « personae » ? C’est un terme de marketing qui désigne « les utilisateurs types, les cibles de votre produit ou de votre service. Comme une vraie personne, les personae sont dotés de plusieurs caractéristiques de personnalité mais aussi de comportements de consommation, d’attentes et de besoins à satisfaire. Connaissez-vous bien les « Personae » de vos événements ? Il y a les participants, les speakers, les sponsors, les exposants, les membres du comité de programme… on a fait le tour ? Quelles sont leurs attentes et les besoins respectifs ? Peut-être ont-ils évolué depuis la crise sanitaire ? Sûrement même. Il est peut-être temps de vous poser et de réfléchir à qui sont vos publics et comment vous devez faire évoluer (ou pas) votre rencontre scientifique pour répondre à ces changements.
Prenons l’exemple des speakers, au cœur de la réussite de chaque événement. Que recherchent-ils ? Une valorisation de leur travaux, des opportunités de confronter leurs idées avec leurs homologues, un moment pour faire de la veille sectorielle… et des moments de networking avec anciennes connaissances et nouvelles rencontres.
Et quels sont leurs besoins ? Un appel à communication clair, un outil en ligne simple pour déposer leur papier et s’inscrire en ligne, une tarification adaptée à leur profil, une technique audio-visuelle efficace sur place pour leur présentation, une programmation de qualité à découvrir, un accès aux replay des autres speakers… What else ? Si vous faites de travail avec chacun de vos personae, vous ferez ressortir une somme de besoins clairs et pourrez adaptez les contours de votre événement en conséquence.
3 conseils « marketing » clés :
– Définissez les attentes de vos différents publics parties-prenantes et déterminez en quoi votre événement y répondra. Un questionnaire de satisfaction voir des interviews téléphoniques peuvent être mis en place pour récolter leur feed-back.
– Développez des outils de communication adaptés à ces différents profils, dans lesquels vous mettez en avant tous les avantages d’y participer (avantages qui répondent précisément aux attentes identifiées en amont).
– Suivez la performance de vos outils et canaux de communication, afin de savoir ce qui fonctionne le mieux selon les publics, ce qui « transforme » le mieux. La gestion de cette «data » est riche d’enseignement dans une perspective d’amélioration continue.
L’expérience utilisateur d’un événement hybride – ATTENTION !
Vous avez décidé de proposer un événement hybride ? Il est alors important de réfléchir dès le départ à votre événement de manière double. Le participant virtuel ne doit pas être considéré comme un « parent pauvre ». Les parcours présentiel et virtuel doivent être pensés en parallèle, certes différents, mais tout aussi attractifs en terme de contenu et d’interactivité. Attention à bien expliquer ce que vous entendez par hybride pour ne pas décevoir à l’arrivée. L’hybridation est intéressante à de nombreux points de vue, mais elle implique un surinvestissement financier et humain non négligeable, pas toujours évident à rentabiliser. Donc engagez-vous en connaissance de cause, et soyez à la hauteur des promesses que vous faites.
- Une rencontre scientifique doit être inclusive, à tous les niveaux
Plus le public d’un événement est divers et varié, plus les échanges sont susceptibles d’être enrichissants. C’est justement tout l’intérêt de ces rencontres scientifiques : découvrir les manières de penser et de réfléchir des autres et y confronter ses propres méthodes. Différences de génération, de niveau hiérarchique, de moyens, de culture scientifique, de langue, de croyance… plus le panier est large et plus les questionnements et enseignements sont riches.
Il est donc important de réfléchir vos rencontres comme des événements ouverts, et non un entre-soi un peu stérile. Comment ? Voilà bien un avantage que nous a offert le virtuel : plus de soucis d’avoir à dégager 6 jours dans son agenda pour aller assister à une conférence au bout du monde, plus de frais d’avion/hôtel/restauration, plus besoin de faire garder les enfants le soir, plus besoin d’avoir une santé à toute épreuve pour participer.
Une simple connexion haut-débit, une webcam et des frais de participation abordables (voire gratuits) et vous participiez à une conférence internationale sans bouger de votre laboratoire, incluant toute votre équipe de PhD. Quelle révolution !!! Les statistiques le montrent : des populations qui généralement ne peuvent pas se permettre de prendre part à ces grand-messes (par manque de moyen ou de temps, pour des contrainte familiales ou de santé) étaient présentes pour échanger sur leurs recherches. Il serait dommage de perdre cette diversité en revenant à des formats classiques de 100% présentiels, non ?
3 conseils « inclusivité » clés :
– Réfléchissez en amont à l’hybridation de vos conférences, ouvrant l’événement à un public qui sera sur place, et à un public qui assistera/interviendra à distance. L’équation n’est pas simple, mais elle a un réel intérêt en matière de diversité de l’audience
– Mettez en place dans le programme des contenus/tarifs spécifiques montrant cette inclusivité. Un Award spécifique pour les papier PhD ou un concours « Start-up pitch » pourrait notamment attirer les jeunes générations. Une tarification adaptée / sponsorisée pour certains profils peut également être réfléchie.
– Lors que vous invitez des orateurs VIP, diversifiez les profils pour enrichir les tables rondes : type de structure, fonction, pays, sexe, expérience…
- Une rencontre scientifique n’est plus une grand-messe, mais une communauté à faire vivre
Souvent, les conférences, colloques et symposium ont une récurrence de métronome. Tous 1 ou 2 ans, avec ou sans mobilité géographique. Et entre chaque édition, silence radio. Erreur !! La bonne vieille « grand messe » est has-been.
Tout va bien plus vite, et si l’on n’est pas présent fréquemment, on est vit oublié. L’événementiel « d’après » se réfléchit autrement. L’unicité de temps et de lieu n’est plus incontournable. La conférence se vit en amont, elle se revit en aval, et entre 2 éditions, sa communauté s’entretient. On parle aujourd’hui de « stratégie événementielle annualisée », où une multitude de micro-événements ou communications viennent s’ajouter et se compléter pour construire et nourrir la communauté d’intérêt de son audience.
La conférence en elle-même est certes un aboutissement, mais ne se vit plus comme un événement isolé dans le temps. Plus vous ferez vivre et gonfler cette communauté d’intérêt au fil des mois, plus vous attirerez les sponsors et exposants potentiels qui verront dans l’événement « grand-messe » une belle plateforme de visibilité. Pensez à cela un peu comme une relation de couple et le phénomène de la Saint Valentin. Est-il plus « efficace » (ohlala, je n’aime pas ce mot quand on parle d’amour) de clamer haut et fort son amour 1 fois par an ? Ou de le faire par touche successive toute au long de l’année ?
3 conseils « communauté » clés :
– Mettez en place une politique de contenus (ligne éditoriale, calendrier, producteurs) autour du sujet qui réunit votre communauté destinée à attirer et faire grossir votre audience. Selon votre budget et le temps alloué, le choix des format de contenu est vaste : podcast, webinars, newsletter, interviews d’experts, Q&A live…
– Utilisez les réseaux sociaux comme une plateforme pour partager vos contenus et engager votre audience. Choisissez le réseau sur lequel votre audience est déjà présente. LinkedIn est souvent plébiscitée par les professionnels. YouTube est adapté aux contenus vidéo.
– Valorisez les contenus produits pendant votre conférence en aval : partagez les replays à vos participants, mettez en avant les interventions de speakers VIP sur vos réseaux sociaux.
Le REPLAY plébiscité
Si je regarde les statistiques de tous les événements virtuels et hybrides accompagnés par La Créative Boutique en 2021, un chiffre se détache . Entre 40 et 50% des inscrits ne se connectent pas au LIVE, mais consultent les contenus en différé. C’est l’avènement de l’événement « on-demand », le Netflix de l’événementiel. Mettez à disposition de vos participants ces contenus sur une plateforme conviviale, et récoltez les statistiques de consultation, pour les inclure à celle du LIVE.
Un programme de qualité, une logistiques sans faille, une communication sur-mesure, un projet inclusif, une communauté qui grandit…. Voilà donc les 5 point à travailler pour ré-inventer vos conférences, colloques et symposia en 2022 ? Rien que ça ? Oui, je sais, c’est beaucoup ! Mais vous n’êtes peut-être pas obligé de TOUT cocher dès la prochaine édition !! Il faut parfois « choisir ses batailles » et travailler un point à la fois. D’autant plus qu’il ne faudrait pas non plus trop bousculer les habitudes de votre audience (et sponsors).
Et n’hésitez pas à vous faire accompagner sur certains points logistiques, digitaux et marketing. Votre valeur ajoutée d’organisateur réside souvent dans la programmation et les contacts métiers. Pourquoi ne pas se concentrer là-dessus et externaliser le reste à des personnes dont c’est le métier. Mes équipes et moi par exemple ??? LOL… je dis ça, je dis rien !!