06 Mai Comment je fais ?? Et bien parce que je n’ai pas le choix de ne pas le faire !
Comme tous les Français, je vis en ce moment ma 8ème semaine de confinement. Soit plus de 50 jours cloitrés à la maison (incluant quelques sorties occasionnelles avec attestation), dont 40 jours de tentative de télétravail.
Pourquoi j’utilise le mot « tentative » ? Car j’ai l’immense bonheur d’être à la tête de ce qu’on appelle communément « une famille recomposée », avec 2 enfants de mon 1er lit à la maison à plein temps, 2 enfants de mon mari 1 semaine sur 2… et pour être sûre d’être au complet, un petit bébé de 6 mois (évidemment à plein temps – de jour….comme de nuit J).
Mon quotidien est digne d’un comportement de schizophrène. Je dois :
- Suivre la scolarité à distance des plus grands (celui de 6 ans ayant une capacité de concentration de 3 minutes 15),
- Leur trouver des occupations tout en limitant leur temps d’écran pour éviter de les retrouver lobotomisés,
- Préparer 2 repas par jour (+ les purées et compotes du petit qui a choisi le confinement pour démarrer sa diversification alimentaire),
- Entretenir un tant soit peu la maison en période de crise sanitaire,
- … et quand je peux, intercaler les réunions de travail en visio, avancer dans mes dossiers et tenir les deadlines des projets en cours. Car je suis cheffe d’entreprise, et donc les dispositifs d’indemnisation de chômage partiel ne me concernent pas !
Est-ce que je me plains ? Non. Ce n’est pas l’objet de cet article. Je me classerais plutôt parmi les chanceuses. J’ai du travail et mon entreprise continue de tourner (alors que je suis dans le secteur de l’événementiel très sinistré par la crise actuelle), j’ai un associé pour me soutenir les jours «down», j’ai un mari (également en télétravail) qui fait sa part, mes proches sont en bonne santé… et comble du luxe, j’ai une maison avec un petit jardin pour profiter un peu de la douceur printanière.
De surcroît, je bénéficie de clients très compréhensifs sur mes conditions de travail, qui composent avec mes pauses « un biberon qui ne peut pas attendre » en pleine réunion, acceptent de caler les calls en fonction des heures de visio CP de mon fils et font des coucous à mon bébé qui fait des grimaces à la caméra alors qu’on parle ROI et KPIs (mon micro restant fermé dès que je ne parle pas pour éviter de les polluer avec les bruits de fond de ma maisonnée). Une situation totalement impensable il y 3 mois… mais qui est aujourd’hui acceptée par la force des choses.
Est-ce que les autres me plaignent ? Oui. Une des remarques que j’entends très souvent de membres de ma famille, d’amis ou de clients, c’est « Ma pauvre, mais comment tu fais ? ». Et là, il y a ma réponse officielle qui donne quelque chose comme « C’est compliqué mais on se débrouille, et mon mari m’aide. Ca va aller. » Et puis il y a la réponse que j’ai envie de crier haut et fort qui sonnerait plutôt ainsi : « Comment je fais ???? Mais tu crois peut-être qu’on m’a demandé mon avis avant d’annoncer le confinement ? Tu crois que le gouvernement s’est demandé en amont comment on pouvait demander à 1 même personne d’être enseignante, mère de famille, femme d’affaire… et accessoirement femme tout court ? Tu crois que je ne termine pas un grand nombre de mes journées entre frustration et culpabilité de tout faire à moitié ? Comment je fais ???? Mais je fais parce que je n’ai pas le choix de ne pas le faire. C’est aussi simple que ça !»
Et que le 1er ou la 1ère qui commente en disant « Elle n’avait qu’à pas faire autant d’enfants si elle ne pouvait pas les gérer » aille se jeter dans la Deule avant que je ne l’y pousse. OUI, j’ai choisi ma grande famille, et OUI j’ai aussi choisi mon travail d’indépendante que j’adore (ainsi que mes clients). Avant le confinement, j’étais déjà surnommée par beaucoup «Wonderwoman» quand au volant de ma Berlingo 7 places, j’enchainais les journées « 2 en 1 » (un peu comme les shampoings, mais là c’est une journée de mère de famille après la journée de travail). Mais ce confinement, personne ne l’a choisi et surtout pas moi. Et le « 2 en 1 » est devenu un gros sac de nœuds tout enchevêtré où je me perds bien trop souvent. Alors je fais comme je peux… mais permettez-moi aussi de craquer et de le faire haut et fort!
Enfin bon… hauts les cœurs ! Le 11 mai arrive à grand pas avec son fameux déconfinement !!!! Aaahh… un mot plein de belles promesses. Mais qu’est ce qui se cache derrière pour nous mères de familles qui travaillent ? Retour à la vie d’avant ? Faut pas rêver. Limitons-nous à l’école 1 jour sur 2 sans enfants pour les plus chanceuses, car il ne faudrait pas non plus décharger la mule trop brutalement. On risquerait de nous laisser le temps de respirer et permettre à un syndrome de stress post-traumatique de se développer !!! Et puis la petite couche supplémentaire du moment : merci aux médias de nous culpabiliser encore un peu plus sur le retour à l’école « Ah ouais ? Tu vas remettre tes enfants à l’école toi ? Tu ne penses pas que c’est risqué pour eux ? » Mais p**** vous ne pensez que c’est pas risqué pour moi de continuer sur ce rythme jusqu’à l’été ? Avec pour seule perspective des vacances sur les plages de Dunkerque ou les canaux de Saint Omer (c’est tout ce que j’ai droit à 100 km de Lille…) ?
Alors est-ce que je me plains ? Non. Mais, je veux juste faire connaitre mon quotidien, qui je pense n’est pas un cas isolé. Je veux dire à tous les parents qui travaillent (indépendants, enseignants, salariés) de juste faire de leur mieux en rappellant la citation « Done is better than perfect » (« Fait est mieux que parfait ») qui me permet d’avancer jour après jour.
Et puis, s’il vous plait, arrêtez de me demander « Comment tu fais ? ». Demandez-moi plutôt « Comment tu vas ? ». Et dans quelques semaines, demandez-moi surtout « Je t’ai pris un rendez-vous chez le coiffeur demain, on se prend un verre en terrasse après ? ».
PS : j’ai écrit cet article en 2h, incluant 45min de cours d’anglais CP, 1 dictée de CE2, 2 changeages de couches et 1 découpage de courgettes/jambon pour le petit pot en cours de cuisson… cuisson un peu trop lente si on en juge les pleurs de mon fils au moment où j’écris !